La promotion d’une architecture spéculative

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Pourtant ces rappels prennent un autre sens si l’on veut bien considérer l’engouement actuel pour une certaine architecture spéculative (et spectaculaire aussi), entendue comme remise en cause des impasses du fonctionnalisme architectural.

On sait bien en effet à quels écueils ont pu conduire les excès du fonctionnalisme, tels qu’ils se traduisent jusqu’à la caricature dans le style international et les rigueurs panoptiques de la charte d’Athènes. De ces excès, qui tiennent à l’impossible application d’un modèle universel de « traitement de l’habitation » (comme on parle d’un modèle universel de « traitement de l’information » avec la cybernétique et la machine de Turing), nos banlieues offrent à perte de vue une expression récurrente et désolée. Et cette architecture internationale, produite industriellement à l’échelle globale jusqu’à la nausée, a engendré, comme par contraste, un retour des architectures vernaculaires, soucieuses de s’inscrire en résonance avec un site, une contexte, une culture. Non plus le lieu envisagé selon le point de vue objectif, global, absolu, « indifférencié » et calculable de l’âge moderne (le lieu comme topos), mais le lieu singulier, inscrit dans l’épaisseur d’une mémoire, d’une expérience, le lieu subjectif sédimenté  dans le jeu de ses énonciations piétonnières successives (le lieu comme chôra).

Mais on sait bien aussi les échecs relatifs de ces architectures vernaculaires, qui croyant pouvoir s’affranchir de la leçon universaliste et émancipatrice de la modernité, n’ont engendré le plus souvent qu’une régression architecturale dont les zones « rurbaines » offrent ad nauseam de trop nombreuses versions, sous la forme de maisons villageoises stylisées en néo-provençal ou en néo-basque dans des couleurs locales « savamment » édulcorées.