Le corps ici et là : présence réelle et présence à distance

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Cette quête de proximité est corrélative à la fluidité de l’espace public et à son délitement. En outre, ces expériences d’art communautaire public, paraissent, à l’échelle des villes et des lieux réels, reproduire les propriétés et les attributs de l’espace cybernétique des réseaux et les formes de communautés fragiles et éphémères qui s’y développent. Car la question du sentiment d’appartenance  se pose sans doute aujourd’hui plus que jamais, mais en des termes radicalement nouveaux. Elle concerne en effet un sujet “ expansé ” et souvent expatrié,  vivant à plusieurs échelles d’espace et de temps, libre (et parfois contraint) de se lier à une communauté (comme de s’en absenter).

Et il semble en effet que ce modèle cybernétique se soit à son tour imposé à l’espace réel des territoires et des villes, qui en reproduisent les modalités et le mode de fonctionnement dans une forme inédite de nomadisme dont le sujet se trouve pourtant sécurisé par l’ensemble des dispositifs techniques qui l’accompagnent et lui permettent d’habiter le monde . Ce nouveau “ nomade ” se caractérise notamment par sa position comme affranchie des conditions d’appartenance à un espace et à un temps donnés et ryhtmés par  un vivre ensemble – fut-il un vivre ensemble séparément – des sociétés modernes, comme si les frontières du public, et du privé, de l’être et du paraître, de la présence réelle et de la présence à distance, s’étaient volatilisées et ne coïncidaient plus avec les limites et les positions de nos corps dans l’espace temps social réel. La question épineuse, en Occident, de l’immigration et celle de ce nomadisme lié aux technologies actuelles, amène ainsi Wodiczko à créer un Bâton d’étranger (Barcelone,  1992), sorte d’objet transitionnel que l’étranger promène avec lui dans les rues. Prenant la forme, selon les propres termes de l’artiste, de  » la houlette du berger de la Bible « , proche par l’esprit de l’engagement humanitaire se déployant alors à grande échelle, le Bâton d’étranger est surmonté d’un moniteur vidéo où le curieux peut prendre contact avec le récit de la vie de l’étranger, gage d’une plus grande humanité du contact.

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