Le réseau et le rond-point comme métaphore

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Les réseaux avaient déjà en effet profondément bouleversé le territoire, mais il s’agissait des réseaux du premier âge industriel, dont se délectent aujourd’hui les artistes, soit que ces réseaux soient encore opérationnels (et ils le sont dans une mesure encore très importante – un beau travail consisterait d’ailleurs à affecter des marqueurs temporels sur la carte de tous ces réseaux que nous utilisions encore aujourd’hui, pour donner à la carte ainsi redéfinie, cette profondeur de temps qui lui fait défaut, sauf pour la nature et la géologie) soit, cas le plus fréquent, pour en archiver la mémoire à travers des dispositifs et objets monumentaux qui en conservent la trace (car ces témoins d’une industrie lourde sont au mieux promis à la reconversion – et il s’agit souvent d’une reconversion artistique – , au pire à la disparition ou à l’effacement dans les plis de la rurbanité galopante au-delà des frontières de la ville et même de ses banlieues).
Il est utile cependant de rappeler à quel point ces marques d’une paysage aujourd’hui révolu, auront su et, depuis longtemps déjà, accéder, dans certaines pages célèbres de Heidegger ou Simondon sur les ponts, les routes, les manufactures et autres marques paysagères de l’âge industriel, à une sorte de dignité esthétique, qui leur fut d’abord communément refusée. Ainsi, les artistes et les philosophes ont su libérer la pensée de la tutelle d’une antique esthétique du beau naturel, et montrer les beautés inaccoutumées du beau industriel (cela commence avec les impressionnistes, et les bords de la Seine, qui sont indissolublement le lieu d’une évolution des mœurs et d’une mutation des paysages – et qui voient s’élever de grandes cheminées, des ponts métalliques, des manufactures et entrepôts sur les quais du Fleuve ),  construisant progressivement l’image d’un paysage organisé autour de quelques grands marqueurs datant du premier âge industriel et de sa gloire, aujourd’hui commués en lieux de mémoire (tels, par exemple,  le Musée de la Mine de Saint-Etienne), ou encore survivant dans la mémoire par le traitement que leur applique certains artistes photographes (on pense évidemment ici aux châteaux d’eau  et autres tours réfrigérées répertoriés et  archivés par Bernd et Hilla  Becher).

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