Valéry et l’épistémologie

Il se trouve que ces nœuds de Boussinesq se retrouvent au cœur des questions épistémologiques contemporaines. Voici ce que dit Prigogine à leur sujet :

« A l’époque, les nœuds de Boussinesq ne représentaient guère que des curiosités, mais aujourd’hui ils sont devenus un élément central dans de nombreuses disciplines qui étudient les processus marqués par les non linéarités et les bifurcations. Les bifurcations sont des points singuliers d’où émerge une nouvelle solution d’une équation différentielle qui peut avoir des propriétés entièrement différentes. C’est-à-dire que dans ces points singuliers il y a des possibilités différentes, et que le choix de la bifurcation ne peut dans beaucoup de cas être connu que par des théories statistiques.(…). Nous nous trouvons donc devant un monde qui contient des éléments du possible, des éléments où existent, justement, ces noeuds à partir desquels différentes situations peuvent naître. Le « réel » n’est qu’une des réalisations de ces différentes situations. Il y a là un changement de perspective très important : le monde tel que nous le voyons aujourd’hui a été modifié, bouleversé par cette prise de conscience.(…) Il y a cinquante ans, l’aléatoire survenait dans le monde de la micro-physique avec la mécanique quantique. Aujourd’hui, il réapparaît en force, mais cette fois-ci à notre propre niveau. Avant, on pouvait dire qu’au niveau macroscopique, l’aléatoire joue peut-être un rôle, mais que dans le domaine des phénomènes macroscopiques des êtres vivants formés d’un grand nombre de particules, il ne joue pas de rôle, parce qu’à cette échelle ce sont les moyennes qui comptent. L’aléatoire réapparaît, cependant, sous forme de bifurcations, d’états nouveaux, de structures nouvelles, et nous arrivons ainsi à une vision différente du réel, surtout de la relation entre le réel et l’imaginaire.(…). »

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