Esthétique et Prothétique dans les sociétés postmodernes

Contre la doxa à la fois ancienne et actuelle d’après laquelle l’anormal fonctionne et peut même être reconnu, mais pour être d’autant mieux  relégué dans l’ombre de l’anormal, c’est au contraire, dans le cas des œuvres d’art,  l’anomalie qui peut être constitutive de la norme et du déploiement d’un sens inattendu, non seulement par effet de contraste, ou si l’on veut,  par défaut, mais au contraire par un effet d’ouverture du possible, par une sorte de vitalisme et d’inventivité qui sont au cœur de toute connaissance et de toute évolution, en particulier de l’évolution des formes de la sensibilité, ce que le présent ouvrage désigne à travers l’hypothèse des transitions de la sensibilité et de la perception, subtilement à l’œuvre dans nos sociétés. Au stade d’une humanité prothético-génétique, qui témoigne de l’emprise considérable de l’artificiel et de la technologie à même notre corps et ses perceptions (mais qui témoigne aussi des promesses et des menaces qui entourent l’hypothèse d’une humanité « augmentée », dans le double sens contradictoire d’une hypernormalisation esthétique des corps et des possibilités de promouvoir aujourd’hui par ailleurs  un corps absolument térratologique,  prothétique et artificialisé,  chimérique,  posthumain), l’œuvre d’art, qui se déplace toujours entre écart et norme, nous renvoie le miroir de notre propre condition : à travers quelques exemples pris dans l’histoire de l’art et la littérature, c’est ce miroir dans lequel ce texte essaie de contempler et de comprendre l’image des mutations actuelles de notre condition et de nos perceptions.