La disparition de Georges Pérec

La deuxième œuvre est une œuvre de fiction, qui repose sur ce que l’on a pu appeler la littérature à contrainte et auxquelles certains écrivains de l’Ouvroir de Littérature Potentielle (OULIPO), en particulier, on su donner leurs titres de noblesse.
La contrainte a une double fonction. En posant un cadre et une limite elle permet d’échapper aux débordements souvent très convenus de l’inspiration, mais par son caractère d’automatisme, elle permet en somme de déléguer à la machine littéraire une part de cette même inspiration, levant du même coup le handicap ou la crainte de la page blanche. La contrainte est donc un puissant stimulant pour l’imagination littéraire et elle s’inscrit dans ce mouvement de fascination répulsion qu’exercent les automatismes (et le machinisme en général) sur les esthétiques avant-garditstes du début jusqu’à la fin du XX° siècle, siècle dont certains des acteurs les plus remarquables, comme Andy Warhol, vont même jusqu’à souhaiter leur propre métamorphose en machine.
Ainsi, Warren Botte peut-il écrire :
« Mais il faut revenir au paradoxe de la contrainte. Se passer de la lettre la plus importante peut être, pour Pérec, « un support stimulant », une technique d’écriture efficace. Mais quelles en sont les conséquences ? Si on soustrait les « E » de Georges Pérec par exemple, qu’est-ce qui reste, qu’est-ce qui peut rester ? Certaines langues écrites (et notamment l’hébreu) peuvent se passer de voyelles ; la suppression du E en français, en revanche, entraîne la mutilation de la langue. Ecrire une langue ainsi mutilée, l’écrire d’une façon à  peu près cohérente, constitue une gageure et une victoire. Considérée comme la chronique de sa propre genèse, la disparition livre une lecture centrée précisément sur une telle victoire. Dans ce sens, on a bien affaire à l’allégorie d’une écriture, mais d’une écriture qui à son tour, est l’allégorie d’une vie. La disparition du E figure la mort des parents de Pérec et, tout comme il réussit à survivre après cette perte essentielle, il réussit à écrire avec un alphabet privé de son élément le plus important, un alphabet mutilé comme sa vie. La Disparition offre la preuve irréfutable de cette double difficulté vaincue.»

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