Photomobiles : notes de travail 2011 (n°14 et 15)

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14/ Ce qui est intéressant, dans mon image des essuie-glaces, c’est aussi la profondeur de champ, avec le soleil à l’horizon, comme une trouée (cf Claude Simon, Orion aveugle, nous courons après le soleil de nos vies, et nous ne pourrons jamais rattraper le soleil  dans sa course avant qu’il ne se couche à l’horizon). Cette trouée est un détail, mais qui ouvre vers un questionnement de la perspective en tant que forme symbolique d’un espace de projection qui suppose une équivalence rigoureuse entre les coordonnées euclidiennes du réel et de sa représentation). On est à la fois dans une vision en plan, en surplomb, en profondeur, et en mouvement de la gauche vers la droite, ou du haut vers le bas.
On doit donc avoir un syncrétisme qui ne serait pas celui des enroulements à la Holbein (en plan vu den haut) /Eisenstein, ni celui de l’espace médiéval, mais au fond celui d’un autre espace dont Bacon fournirait peut-être un modèle (reprendre le Deleuze). Il s’agit en un sens d’aller d’une vision en top down et en bottom up, de les coupler dans la saisie de notre monde actuel.

15/ En un sens, ces essuie-glaces sont l’équivalent actuel de l’escargot de Cossa analysé par Arrasse. Il sont à la frontière qui sépare le réel (l’espace du point de vue du spectateur, extérieur au tableau), et l’espace de ce qui est représenté, le paysage, ( qu’ils contribuent à la fois à déstabiliser – car ils cassent l’illusion perspective dans ce balayage révélant le tableau pare-brise comme pure surface – et à stabiliser – car ils réorganisent cet espace dès lors qu’on les perçoit comme en faisant partie, comme faisant partue de l’espace représenté, selon d’autres lignes de fuite). Le spectateur est dedans-dehors  l’image, embarqué dans le mouvement, et contemplant de l’extérieur un dessin machiné par une machine de balayage optique de la pluie.