Photomobiles : notes de travail 2011 (n°27, partie 2)

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27/ (26 novembre, partie 2)

Je peux aussi, en ce sens, me reconnaître dans des tendances intermédiaires, qui font lien entre moderne et postmodernisme, qui empruntent par exemple à l’art conceptuel son refus de l’instant décisif, de l’effet de réel en photographie, mais qui empruntent aussi aux tendances postmodernes dans l’art quelques traits, comme par exemple le goût de la « photo ratée ». (« Même dans le champ du reportage, nous dit Peyre,  l’«instant décisif» a reculé devant la représentation de la durée dans le reportage social (Parr, Wapplington). La déconstruction de l’instant décisif pourra également amener vers le goût pour la photo ratée »).

Mais mon travail conserverait de la modernité ce rapport au   monde fondé sur le miracle des commencements. Je ne suis pas revenu de tout, pas blasé, pas certain que quelque chose ne soit pas encore à sauver, là devant nous, cette chose « quelconque » même. Le salut des choses, et non des êtres, m’intéresse (dans la suite de Warhol ou Duchamp) : c’est cela que je cherche, dans le triptyque intitulé par exemple « le voyage de la petite forme bleue »
Une ère du soupçon  a commencé, qui rendrait possible et même nécessaire la fondation d’un messianisme soft.
Voir aussi à ce sujet : Boris Groys, sur le mana et le reste : le mana se déplace.

En ce sens, mon projet serait celui d’une modernité à revisiter (ce que je désignais sous le terme de rembobinage dans le projet « l’art peut-il nous aider à vivre ensemble).
Ce que j’appelle aujourd’hui : La fin de la modernité sans fin : tel pourrait être le titre le plus juste pour qualifier mon travail.

Le monde de l’art se partage clairement aujourd’hui entre deux mondes, un monde appareillé encore à la modernité et aux avant-gardes (une volonté de dépassement des tentatives précédentes), et un autre au post-modernisme.
Par leur appartenance à la sphère des questions les plus actuelles, l’amateur et le professionnel, l’importance prise par les nouveaux médias de la mondialisation, ce travail est paradoxalement moderne : il postule le mouvement de l’histoire, et le fait que nous n’en avons pas fini avec les récits d’émancipation. Nous sommes bien alors dans une modernité sans fin, qui n’en finit pas de se réinventer.

Mais, en un autre sens, c’est bien la fin de la modernité : et dans ce constat, se dessine alors la possibilité d’une relecture, d’une citation, d’une réappropriation des formes de l’art du passé, un art envisagé comme un inépuisable répertoire de formes : mais là aussi, il n’y a pas une seule postmodernité en photographique.