Photomobiles : notes de travail 2011 (n°27, partie 1)

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27/ (26 novembre 2011)

Sur les photomobiles : le point de vue Déotte critiquant Lyotard sur la Renaissance et la perspective. «  Si Lyotard a bien exploré dans les année 70 la puissance politique de l’art, c’est que cet art restait pour lui au fond corporel, artisanal, non-industriel, insoumis à la culture. Finalement, et d’une manière classique, phénoménologique et adornienne, les appareils passeront nécessairement chez lui du côté de l’aliénation du geste artistique, pictural en premier lieu. Il suffit pour s’en convaincre de relire les très belles pages consacrées dans Discours, Figure à l’appareil perspectif. Lyotard, dans le sillage de Panofsky fut le premier à montrer comment cet appareil avait fait époque, mais il fallait entendre par là un asservissement de la peinture (de la couleur en fait) encore plus élaboré que du fait d’un tout autre appareil, le gothique par exemple. Il est quand même très étonnant d’aboutir à de telles conclusions s’agissant d’un appareil qui sut générer une quantité astronomique d’œuvres au moins pendant cinq siècles, disons entre Masaccio et Cézanne ».
Peut-on imaginer de faire dialoguer des appareils hétérochroniques entre eux, des appareils qui ne relèvent pas du même régime de destination époquale ? Certains appareils relèvent  de normes très différentes (par exemple, pour les normes de  révélation (incorporation ou incarnation), l’interdit de la représentation privilégiera la calligraphie le géométrisme non figural appliqué aux décors architecturaux). Pour les normes de délibération, qui définissent le sujet et l’être ensemble moderne, ce sont les appareils de projection qui portent le sens d’une destination époquale commune ( de la carte, au globe terrestre, ou au cinéma). Ces appareils « traduisent et font époque, ils créent pour la singularité et l’être ensemble une destination ».
Mais la question se pose de savoir si une coexistence de normes hétérodoxes est possible (dans nos sociétés comme dans mes photomobiles) : par exemple la norme de révélation (les enluminures du moyen-âge), et la norme de délibération ( disons le déjeuner sur l’herbe).
Mais, la perspective est un appareil qui fait lien entre ces deux normes, qui libére (et qui assujettit au sens de Lyotard). Il faut donc continuer à s’intéresser à la perspective, et c’est ce que je tente de faire dans mes photomobiles. Mais après l’appareillage du cinéma, après l’appareillage de l’époque et des autres arts par le cinéma, et ses emprunts à d’autres appareils (en particulier pour le montage), de manière à me trouver confronté à un conflit d’époques et d’appareils…de normes.
Et mieux encore, ou pire encore, s’il s’agit de faire coexister « appareils » et « moyens de communication ».

Ma photo est « mobile », non seulement dans le sens de la mobilité voulue et imposée par les portables, mais aussi par l’impossibilité d’assigner à ma pratique (ou le refus de ma part), une résidence (dans la photo plasticienne par exemple et ses diverses tendances : que ce soit la forme tableau à la Jef Wall, que ce soit l’art du métissage à la Fleischer, ou encore les tendances post-conceptuelles).
De toutes ces tendances, je peux me réclamer tout en les refusant, je les traverse plutôt, m’inscrivant à la fois dans l’espace d’une modernité toujours à venir et jamais achevée (les récits d’émancipation sont peut-être à  réinventer (contre l’hypothèse lyotardienne), et dans le constat que nous sommes bien là après le moderne en art, nous sommes dans un entre-deux  (et en ce sens je ne me reconnais absolument pas dans la photographie conceptuelle à la Gerz ou à la Kosuth, car, comme le souligne Henri Peyre, « ce mouvement est profondément ancré dans la perspective de l’Histoire de l’Art. Il se veut une étape, un dépassement des tentatives précédentes en art. A cet égard, il appartient encore à la période moderne et aux mouvements des avant-gardes. Il en est même la forme ultime. »)