Paysages avec ruines et voix

Cette faillite de l’histoire ancrée dans le mouvement même de la modernité, ce démembrement du corps social comme du corps propre,  trouve parfois son expression esthétique dans certaines œuvres relevant d’un romantisme tardif, et qui se réapproprient à l’âge contemporain le goût romantique des paysages de ruines.  C’est un tel  dispositif de  fragmentation et de chaos romantique, appliqué à l’histoire contemporaine, que nous propose  Hans Haacke avec son installation à la Biennale de Venise, Germania, de 1993.
Le document de présentation de l’œuvre rappelle l’histoire de la Biennale de Venise  et nous enseigne qu’en 1938, les nazis avaient radicalement transformé ce petit hall consacré à l’art selon leurs conceptions architecturales. Ils en firent un bâtiment néoclassique à la façade sévère et rébarbative.
En 1964, un réaménagement de l’intérieur a atténué le caractère autoritaire de son architecture. Mais le faire complètement disparaître aurait signifié la destruction du pavillon pour en construire un autre. Or le bâtiment a été classé monument historique. Il représente donc un défi pour les artistes qui y exposent. Quiconque aménage le pavillon allemand – qui jouit du soutien du ministère fédéral des Affaires étrangères – livre aussi automatiquement un commentaire sur l’histoire de l’édifice; c’est clairement le cas en 1993 avec Hans Haacke qui casse le carrelage du sol et fait déambuler les visiteurs sur les éclats d’un funeste héritage culturel.

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