Photomobiles : notes de travail 2011 (n°7 et 8)
7/ Il faut donc articuler peinture et dessin dans mes photo-mobiles, et comme dans le triptyque constructiviste, voir comment une forme, un dessin, une intention traverse les trois images (la grue, le kaléidoscope, l’avion dans le ciel. )
8/ Cherche quels peuvent être ces intermédiataions, qui prennent place comme des machines de vision entre le spectateur et nous et qui seraient comme une délégation de compétence à des objets mobiles, qui introduisent une vitesse, un rythme à la fois voulu et hasardeux, intentionnel et aléatoire (ce serait une manière, avec les essuie-glace par exemple, de réintroduire l’aléatoire dans l’art, comme ont voulu le faire les compositeurs de l’âge moderne en musique). Les essuie glaces rythment, comme une partition, ils introduisent aussi des signes qui ne sont pas sans évoquer les signes et le mouvement du pinceau dans l’art et l’écriture calligraphique de l’extrême orient. Mais aussi, ils sont comme des shifters, des catalyseurs, ils sont à la fois opérateurs et opérande dans l’espace du « tableau », entre l’espace construit et l’espace perçu, ils sont sujets et objets, instruments de dessin et partie du dessin, cartes et territoires, référents et outils de représentations. Comme pourraient l’être en un sens d’autres objets qui viennent suturer, scander, rythmer un espace et qui sont des instruments, mais empruntés au monde commun de l’industrie – en un sens c’est le même sens que celui du transfert de césar avec ses machines industrielles à compresser utilisées comme des instruments de sculpture (ou qui sont une forme de transfert de l’industrie , ou de détournement de machines ou d’appareils qui ont d’abord leur sens dans d’autres contextes, leur usage).
Mais les automobiles et les Smartphones sont aujourd’hui des machines de vision, des machines à travers lesquelles le réel s’offre à nous de manière quasi permanente (ces appareils rythment notre propre machine de vision interne). Les essuie glaces dégagent l’horizon de notre champ de vision et ils sont comme l’équivalent de la fenêtre chez Matisse, mais celle-ci est à l’arrêt chez Matisse, alors que nous vivons aujourd’hui en automobile, en avion, dans des transports rapides. Il y a aussi cette idée de balayage, d’une image qui participe de ce mode particulier de structuration de la mémoire que Lyotard appelle le balayage, et qui n’est ni le frayage des anciennes cultures, et qui pourrait, à certaines conditions – peut devenir comme passage, perlaboration.
Evidemment, ils sont aussi une forme de mise en abîme de la question de la mobilité, car ils sont mouvement, battement artériel ou rythme du temps routier, et en même temps, ils sont à l’arrêt, jambes scandant les pas à pas internes de l’image, ou de l’enchaînement des images., sans que ces enchaînements et ces superpositions rythmiques aient pu être calculées entre la vitesse de l’automobile, celle des essuies glace, celle de la reconstruction ou de la reconnaissance : ce sont comme des temporalités divergentes, qui ouvrent sur des points de vue eux-mêmes divergents (mais que chacun peut s’approprier car ils sont le commun, sorte d’iconostase temporelle, qui lasse perler le temps diffracté que nous vivons, les ruptures de rythmes qui sont notre lot commun).